Développement de la distribution

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La marque du pôle horloger de la Fondation Sandoz reconstruit sa visibilité chez les détaillants. Effet complet à moyen terme.


L'Agefi - 3 octobre 2012

Propos recueillis par Stéphane Gachet



Les montres Parmigiani, à Fleurier, représentent un vrai cas d'école de construction de marque dans le haut de gamme horloger. Un exemple que le secteur cite volontiers comme une exception, mais trop singulier pour être reproduit.

Derrière le nom, un horloger, Michel Parmigiani. Mais la première particularité que l'on retient toujours est d'appartenir à la Fondation de famille Sandoz. Le pôle horloger a été ouvert il y a 12 ans, avec l'idée de composer marque (une seule) et appareil de production intégré. Dès le départ, le développement est conçu sur le très long terme, un mode presque anachronique et perçu comme très risqué au tournant des années 2000.

La somme de risques était alors bien réelle (elle l'est toujours), mais parfaitement adaptée à la configuration de marché actuelle du haut de gamme, caractérisée, entre autres, par l'importance grandissante d'un contenu horloger original et authentique. Parmigiani s'est ainsi construite peu à peu, portée par des investissements permanents, dans le positionnement de la marque et dans l'outil industriel.

Jean-Marc Jacot, président exécutif de Parmigiani Fleurier depuis le lancement, en 2000. La soixantaine entamée, il fait partie de la génération montante de la renaissance de l'horlogerie, du temps de Nicolas Hayek et Alain Dominique Perrin (son mentor chez Cartier). Il a aussi marqué les années de gloire d'Ebel. Il était à Zurich le week-end dernier pour accompagner une discrète course d'aviron sur la Limmat.

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Stéphane Gachet: L'aviron est un sport peu présent dans l'univers horloger et peu visible en règle générale. Pourquoi soutenir une telle activité?
Jean-Marc Jacot: L'aviron fait partie de notre approche globale du monde universitaire. Nous avons lancé le Parmigiani Spirit Award, qui récompense les étudiants les plus impliqués dans la vie de leur institution. C'est une manière de préparer l'avenir en nous associant à notre future clientèle à la source.

Tout en discrétion.
A l'image de notre message industriel et de toute la construction du pôle horloger. La publicité, si importante soit-elle, n'arrive pas à la hauteur de nos priorités fondamentales. Nous travaillons sur les valeurs afin de donner du fond à nos produits. De fait, il est vrai qu'il faut faire un effort pour nous connaître.

Tout en retenue alors. N'est-ce pas une frustration pour quelqu'un comme vous, qui a dirigé des marques à forte visibilité?
Il est certain que nous attirons moins de couverture médiatique, mais ce n'est pas ce que nous cherchons. La méthode pour y parvenir est par ailleurs bien connue: il suffit d'investir massivement. C'est facile et ça ne nous intéresse pas. Le métier de l'horlogerie a besoin d'autre chose que des coups marketing. Notre vocation est de construire une marque solide.

Où en êtes-vous précisément de la construction de la marque? La rentabilité est-elle atteinte?
La rentabilité devrait être atteinte d'ici trois ans au plus tard. La crise a repoussé l'équilibre en nous obligeant à revoir notre distribution en profondeur. Il n'y a plus de distributeur sur les marchés, nous sommes de fait toujours en phase d'investissement. Nous avons ouvert cinq filiales l'an dernier. Nous ouvrirons la France, la Grande- Bretagne et le Brésil cette année.

Qu'est-ce que cela signifie en termes de volumes?

Nous atteindrons 5000 à 6000 montres cette année. Nous essayons de contrôler notre croissance, mais pour atteindre la rentabilité, qui reste notre premier objectif, nous devons croître.

Qu'en est-il des 8000-10 000 pièces par année que vous avez fixé comme seuil supérieur?
Cela n'a pas changé. Nous ne serons jamais une marque de grand volume et nous ne projetons pas de mettre en place la capacité de production nécessaire pour aller au-delà.

Vous avez tout de même lancé il y a bientôt deux ans un modèle (Tonda 1950,prix de vente d'entrée à près de 17.500 francs) profilé pour augmenter les volumes.
Le modèle auquel vous faites allusion s'intègre dans la stratégie mise en place depuis 2008. La première étape a été concentrée sur la construction industrielle et nous avons atteint l'indépendance complète en 2008. Nous avons ensuite redessiné la marque en segmentant les collections sur trois catégories, la collection jusqu'à 50.000, la Haute Horlogerie dès 50.000 et les pièces uniques. Dès 2010, nous avons repositionné l'image de la marque. Depuis 2010, nous reconstruisons aussi la distribution et nous avons besoin d'une montre plus accessible, avec un réassort plus rapide, pour soutenir notre présence chez les détaillants.

Cela changera-t-il la pondération des segments au niveau du volume global?
L'idée n'est pas de devenir une marque monoproduit. Le modèle pourrait représenter à terme 15- 20% de nos ventes. L'objectif est avant tout d'amener la marque à un niveau de visibilité supérieur. Il s'agit en quelque sorte de provoquer un effet psychologique sur la distribution.

Pour continuer sur ce thème, où en êtes-vous de la reconstruction de la distribution entamée en 2010?

Nous travaillons sur trois axes. La distribution traditionnelle a été redimensionnée vers 230 points de vente - 300 à 350 détaillants seraient idéal. Nous continuons de déployer nos «ateliers», des plateformes à la fois filiale, service après vente et présentation des collections. Le prochain sera ouvert à Londres. Nous en compterons une dizaine fin 2013. Nous commençons aussi à développer notre présence dans le canal très exclusif des concepts stores de luxe.

Et si je vous dis Chine, est-ce aussi une obsession chez Parmigiani?
Nous sommes comme tout le monde présents en Chine pour faire des affaires. Mais nous n'oublions pas que le luxe est avant tout une création européenne et américaine. Il faut surtout être fort dans les régions d'origine du luxe. C'est là qu'il faut investir!

La particularité de Parmigiani est également d'être couplée avec un appareil de production totalement intégré (y compris spiral et organes réglant), réuni sous Vaucher Manufacture Fleurier. Qu'en est-il de la rentabilité de cette division?
L'outil industriel est rentable aujourd'hui. Nos capacités de production sont utilisées à 100% et nous ne sommes pas loin de notre niveau maximal de 25'000 mouvements mécaniques par année.

Vous avez donc retrouvé une situation saine après les licenciements de 2009?
La situation est saine en effet et nous nous efforçons de la stabiliser. En termes de ressources humaines, nous avons dépassé le niveau précrise, avec près de 600 collaborateurs et nous sommes plutôt en phase d'engagement. Nous sommes à nouveau très sollicités par les marques tierces, mais nous maintenons la politique sélective mise en place après la crise. Nous réalisons des mouvements pour trois clients (Corum, Richard Mille et Hermès, actionnaire de Vaucher Manufacture à hauteur de 25%) et nous fournissons des composants à 15 marques externes.

Le dernier grand investissement remonte à 2010 (10 millions injectés dans Elwin,décolletage). Qu'en est-il?
Certains petits départements doivent encore renforcés, mais l'outil est globalement complet et nous avons achevé la phase des investissements importants.

Vous faites donc partie des chanceux à être à l'abri des restrictions en matière d'approvisionnement.

Nous avons été volontaristes dès le début dans l'intégration de l'outil de production. La prise de risque a été conséquente. S'il est question de chance, la seule que nous ayons eue est que la Fondation de famille Sandoz a décidé de le faire.

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Parmigiani