Les idées de Ferdinand Berthoud

Dans
4 minutes read
Un horloger éminent; son habileté manuelle remarquable, son esprit curieux et un don spécial pour la mécanique en firent un des plus grands horlogers de tous les temps.
HEUHorloges Marines_332011_0RE SUISSE - No 115, janvier 2012Auteur: L. Defossez / Adaptation: Joël A. Grandjean
Le prix du Parlement britannique suscita les efforts des chronométriers. Ce prix de 20 000 livres était offert au constructeur du chronomètre qui, après six semaines de navigation, n'aurait pas plus que deux minutes d'écart, c'est-à-dire indiquerait la longitude à un demi-degré près. La même condition fut formulée plus tard par l'Académie royale des sciences de Paris, en 1769. Une saine émulation eut lieu au XVIIIe siècle entre chronométriers français et anglais; il n'est que de citer les noms de John Harrison, Kendall, Mudge, Earnshaw, Arnold en Angleterre, Sully, Julien et Pierre Le Roy, Ferdinand Berthoud en France. Nous ne faisons que citer les efforts de Christiaan Huygens pour construire des horloges à pendule aptes à conserver sur un vaisseau l'heure du méridien d'origine.Ferdinand Berthoud, horloger et écrivain (1727-1807)  Il serait inexact de dire que Ferdinand Berthoud fut le premier à résoudre, avec une approximation suffisante, le problème des longitudes. Le problème des longitudes – comme beaucoup d'autres – n'est jamais résolu qu'approximativement. Un jour cependant, on a pu le considérer comme résolu parce que l'approximation était suffisante pour les besoins de la navigation. Et, en 1772, Harrison reçut – après beaucoup de déboires et de luttes – le prix du Parlement britannique. Horloges Marines_332011_1

 

Ferdinand Berthoud, né à Plancemont, canton de Neuchâtel, fut un horloger éminent; son habileté manuelle remarquable, son esprit curieux et un don spécial pour la mécanique en firent un des plus grands horlogers de tous les temps. En outre, il savait écrire et fut un des rares artistes ayant publié les résultats de ses recherches et de ses travaux. Bien avant 1763, il s'intéressa au problème des longitudes au moyen des horloges marines, dont il construisit au moins 37 exemplaires tous plus ou moins différents les uns des autres. Il recherchait surtout la qualité, c'est-à-dire la justesse de la marche. Il faisait des essais, obser-vait patiemment la marche de ses horloges, cherchait surtout les causes des irrégularités dans la marche et, dès qu'il croyait les avoir découvertes, s'efforçait de les combattre ou de les supprimer dans un modèle nouveau. Son talent d'écrivain s'est manifesté par la publication de plusieurs ouvrages importants, entre autres Essais sur l'horlogerie (1763), Traité des horloges marines (1773), Histoire de la mesure du temps (1802); ce sont de volumineux traités in-4°, dans lesquels Ferdinand Berthoud expose ses idées, relate ses essais et leurs résultats, décrit très minutieusement les horloges qu'il a exécutées, de sorte que bien des praticiens et des théoriciens en ont tiré grand profit. Plusieurs de ces ouvrages furent traduits en allemand, en néerlandais, en italien.

Les horloges marinesLes horloges marines de Ferdinand Berthoud ne sont pas des horloges de série. On doit admirer le souci du constructeur d'augmenter constamment la justesse de ses horloges. Car c'est avant tout la justesse qui le préoccupe puisqu'il voulait résoudre le problème des longitudes. Ni le prix, ni les difficultés d'exécution, ni le poids, ni le volume ne jouaient un rôle prépondérant. Et, de fait, les instruments de Berthoud étaient compliqués, coûteux, pesants (l'horloge marine N° 8 pesait 120 kg) et volumineux. Ce n'est que vers la fin de sa carrière qu'il s'est soucié de réduire le volume de ses horloges, qu'il appela alors montres marines. Celles-ci se rapprochent beaucoup, autant en ce qui concerne le mécanisme que le volume, des chronomètres de marine actuels (la boîte carrée de l'horloge marine N037 a 6 pouces = 152 mm de côté).

Horloges Marines_332011_2

 

Quelques idées de Ferdinand Berthoud Le Traité des horloges marines contient quatre parties, intitulées «De la théorie servant à la construction des horloges marines», «De la construction des horloges marines» (description des horloges N° 1 à 11), «De la main-d'œuvre des horloges marines» (instruments, outils, procédés de travail) et «Des épreuves et opérations par le moyen desquelles on peut donner aux horloges marines toute la perfection dont elles peuvent être susceptibles».  La première partie est intéressante au plus haut point. L'auteur y exprime ses idées théoriques au moment où il écrit ce traité (1773). Il est indispensable, quand on parle des idées de Berthoud, de spécifier la date car, au cours de son existence, il a souvent changé d'opinion. Cela est tout à son honneur du reste, car ces changements étaient généralement commandés par ses expériences personnelles ou par celles de ses contemporains. Généralement, ses idées évoluaient dans le bon sens. Mais on est parfois décontenancé de constater chez Berthoud des idées paraissant aujourd'hui bien étranges. Horloges Marines_332011_3

 

Il était autodidacte et ne possédait pas à fond les théories qu'il exposait, cela se voit déjà à son vocabulaire; un savant serait plus sévère dans le choix des termes scientifiques. Ainsi, on trouve chez Berthoud le mot «force» employé pour désigner, comme nous le faisons, la cause du changement d'état (mouvement ou repos) d'un corps; mais ce même mot désigne aussi la quantité de mouvement ou la force vive. On trouve la définition suivante: «J'entends par force ou quantité de mouvement cette propriété qu'a un corps de vaincre un nombre d'obstacles; alors la mesure de cette force est le produit de la masse du corps par le carré de sa vitesse.»Horloges Marines_332011_4