Thierry Brandt
Trouver de nouvelles manières de lire le temps: depuis la création de leur entreprise, cette recherche permanente mobilise Felix Baumgartner et Martin Frei, les deux compères d'Urwerk. Lesquels proposent aujourd'hui leur surprenante UR-CC1, inspirée des compteurs de voitures des années 50.

Volontiers provocateurs, au sens noble du terme, Felix Baumgartner et Martin Frei s'amusent aujourd'hui de leur nouveau statut. Après une douzaine d'années d'existence, ils sont devenus, en quelque sorte, des horlogers établis. Ils ne font plus partie des petits nouveaux que l'on regarde avec un œil mi-intéressé mi- critique. On n'ira pas jusqu'à dire qu'ils appartiennent au patrimoine, mais presque. Cette situation a d'ailleurs un inconvénient: comme ils se sont imposés avec leurs montres à indication de l'heure satellite, ils sont plus que jamais attendus sur ce terrain. Ils le sont même tellement par certains aficionados que ces derniers s'insurgent à la simple éventualité d'incursions dans d'autres espaces temps. Résultat: avant même que le dernier opus d'Urwerk ne soit sorti des ateliers (la fameuse UR-CC1), ils exprimaient déjà leurs craintes sur les blogs horlogers. Tant pis pour eux. Et tant mieux pour tous ceux qui ont compris qu'Urwerk n'allait pas éternellement décliner le même produit!
Baumgartner et Frei arrivent aujourd'hui avec une montre proposant une lecture linéaire des heures et des minutes, comme sur les compteurs de certaines voitures des années 50 et 60. Son inspiration vient de là, on s'en doute. Et comme les deux compères sont respectueux du travail de leurs glorieux prédécesseurs, ils n'hésitent pas à rendre à César ce qui appartient à Jules. En l'occurrence à Louis Cottier et à Gilbert Albert, auteurs d'un prototype du même genre, développé en 1958 pour Patek Philippe. Pièce unique qui, par ailleurs, n'a jamais eu de descendance et repose aujourd'hui dans un coin du musée éponyme. Si elle affiche clairement sa paternité, la CC1 (CC pour Cobra Cottier) n'est pas pour autant un vulgaire fac-simile: «Toutes les forces, les dimensions et les rapports sont différents. Rien de tout cela ne figure dans le traité d'horlogerie de Breguet, précise malicieusement Felix Baumgartner, qui poursuit: «Cette montre ne figure pas vraiment dans notre collection. C'est une manière de concrétiser l'un des rêves que nous avions au moment de la création d'URWERK. »
Techniquement, la lecture des heures et des minutes se fait par le truchement de deux cylindres dédiés. Une triple came verticale et un segment denté - que l'on peut voir par la tranche ajourée du boîtier - assurent la rotation du cylindre des minutes. Lequel, arrive au marqueur des 60 minutes, est ramené en position initiale en un dixième de seconde. Ce faisant, ce mouvement rétrograde provoque l'avancement du cylindre des heures d'une unité. Simple? Dans son principe, oui. Sa réalisation, sur la base d'un mouvement Sowind, a tout de même pris trois ans. A noter encore, dans le même registre, l'extraordinaire disque des secondes, qui anime le cadran en affichant les chiffres pairs. Pièce extrafine réalisée par l'entreprise Mimotec, grâce à un procédé de photolithographie. On doit aussi à la même technologie et à la même entreprise le segment en nid d'abeille qui relie la came au cylindre des minutes. Enfin, la Cobra Cottier dévoile, là aussi sur le flanc du boîtier, un «rotor fly brake». Autrement dit, une hélice reliée au rotor permettant de protéger le système de remontage automatique des chocs trop violents.
Technique et esthétisme: les deux maîtres mots d'Urwerk sont plus que jamais d'actualité dans cette pièce dont la production sera limitée à 50 unités.