L'odyssée

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Le duo Baugartner-Frei ne cesse de surprendre depuis bientôt 15 ans. Avec La King Cobra, ils enrichissent encore leur champ d'expression. Même en temps de crise, les collectionneurs ne s'y trompent pas.

Revolution #5 - Septembre 2009

Michel Jeannot
Rédacteur en chef
L'horlogerie est une histoire de famille chez les Baumgartner. Représentant de la troisième génération, Felix a bel et bien repris le flambeau, mais pour le faire briller autrement. Dans le respect de l'art horloger, certes, mais en essayant de le nourrir d'un esprit contemporain en travaillant notamment, avec son compère artiste Martin Frei, sur les principes d'affichage. Ainsi, depuis 14 ans, Urwerk développe une proposition à part dans l'offre horlogère. Mais une proposition sérieuse car, contrairement à nombre de jeunes businessmen qui rêvent d'être horloger et cherchent à faire illusion en créant une marque, Felix Baumgartner est un pur produit de la tradition horlogère au service du temps présent. Du temps, il en aura fallu à Urwerk pour émerger de l'inconnu. Car, si la société jouit aujourd'hui d'une relative notoriété et d'une estime évidente, le parcours depuis sa fondation en 1995 a ressemblé davantage à une course de fond bien maîtrisée qu'à un sprint frénétique. Créer un produit “ en adéquation avec notre époque, avec notre génération ” tel sera le leitmotiv de Baumgartner et Frei qui entendent aussi “ provoquer un peu la haute horlogerie compliquée. ” Urwerk_326499_0

Le duo Baugartner-Frei © Revolution / DR

 

Présenté à Bâle en 1997, le premier modèle Urwerk UR-101 est très minimal. Et, pour tout dire, il ne connaît pas un succès fracassant. “ Nous en avons vendu cinq la première année ”, se souvient Felix Baumgartner. Le véritable décollage a lieu en 2003 lorsque la société présente son modèle UR-103. Caractérisé par son affichage doté de quatre satellites mobiles en trois dimensions, il affiche une esthétique très contemporaine. Sur le fond du boîtier, un “ tableau de bord ” avec indication des minutes et des secondes et une indication de la réserve de marche. La machine est lancée…

La morsure du cobra

En 2005, Felix Baumgartner collabore à la réalisation de l'Opus V de Harry Winston. A l'affichage de l'heure par satellite, l'Opus V ajoute une indication des minutes rétrogrades, un affichage jour/nuit et une réserve de marche. Sur le fond du boîtier, une indication graduée de 0 à 5 ans indique au porteur la nécessité d'un service pour sa montre. Evolution de l'Opus V, le modèle Urwerk UR-201 est présenté au début 2007. Même complication – des satellites pour indiquer l'heure, le brevet appartient à Urwerk – mais cette fois, trois triangles-satellites hébergent chacun une aiguille télescopique. La UR-201 affiche sur son verso des réglages dignes de “ fine tuning ” comme l'indication du changement d'huile – qui doit se faire tous les cinq ans – et un compteur d'années de fonctionnement, du jamais vu en horlogerie. Même visage au recto, mais surprise au verso : le modèle UR-202 – lancé en 2008 – se singularise par deux turbines – visibles par le fond du boîtier – qui régulent le système de remontage selon trois modes possibles.

 

 

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Le modèle UR-202 – lancé en 2008 – se singularise par deux turbines © Revolution / DR


Enfin, Urwerk s'offre une petite digression cette année avec la UR-CC1, nom de code : King Cobra. Morsure bienvenue dans la morosité ambiante et hommage au prototype Cobra réalisé en 1958-59 par l'horloger Louis Cottier et le joaillier Gilbert Albert pour le compte de la maison Patek Philippe. De quoi s'agit-il ? Rien de moins que de la première montre-bracelet à indication de l'heure linéaire. Mais le prototype est resté lettre morte malgré un brevet déposé par Louis Cottier en 1959. A la base du projet Urwerk, un peu de nostalgie de cette époque où les compteurs de certaines voitures affichaient des indications de vitesses linéaires. Ainsi Felix Baumgartner se souvient de la vieille Volvo des années 60 de son frère Thomas – compagnon de la première heure chez Urwerk – et de ce qu'elle représentait : “ Pour nous, elle symbolisait les grands espaces, les Etats-Unis où nous irions un jour, c'était juré. ”

 

 

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La UR-CC1, nom de code : King Cobra © Revolution / DR


Le modèle UR-CC1 a nécessité trois ans de développement et se singularise par deux rouleaux horizontaux pour l'indication des heures et des minutes. Une triple came verticale et un segment denté assurent la rotation du cylindre des minutes qui effectue une rotation de 300° de zéro à soixante minutes. Arrivé au marqueur des 60 minutes, le cylindre est ramené à sa position d'origine en 1/10ème de seconde par un fin ressort extra-plat. Ce mouvement rétrograde des minutes provoque l'avancée du cylindre des heures d'une unité. Entre la came et le rouleau, un segment denté qui allie dureté et légèreté. La seconde, quant à elle, est affichée par disque. La UR-CC1 n'entrera pas dans la collection courante de la
marque. Seules deux séries limitées de 25 pièces seront produites.

Les principes des sherpas face au chemin parcouru depuis les débuts, Felix Baumgartner retient deux principes attachés au produit : “ chez Urwerk, nous gardons à l'esprit que la montre doit être agréable à porter et que la lecture du temps doit être aisée. Si on ne respecte pas cela, on fait de la montre gadget. Et pour tout horloger, le but est de voir sa montre portée, pas remisée au coffre. ” Répartis entre Genève et Zürich, Urwerk compte aujourd'hui une douzaine de collaborateurs. “ A vec cette structure, nous pouvons produire quelque 200 montres par an et connaissons une relative stabilité depuis trois ans, relève Felix Baumgartner. Heureusement que nous en sommes restés à cette production limitée ! Et continuer, même en période de crise, à vendre nos montres à des collectionneurs qui apprécient véritablement le produit fait évidemment plaisir. ”

Urwerk est souvent comparée – à tort - aux jeunes marques qui viennent de débarquer sur le marché avec des produits parfois très exotiques. Or, la marque genevoise n'en est plus tout-à-fait à sa prime jeunesse. “ A la fin des années 90, nous avons ouvert une petite voie, ” relève, modeste, le sherpa Felix Baumgartner. Une voie dans laquelle s'est engouffrée la “ nouvelle horlogerie ”, pour peu que cette appellation regroupe un ensemble homogène. Ce qui est loin d'être évident. Or en ces temps troublés, les véritables amateurs savent faire la différence.

 

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