Il y a aux ateliers Louis Moinet une créativité qu’il devient difficile de trouver ailleurs. Pourquoi ? Peut-être parce que le directeur créatif de la marque n’est autre que son fondateur, qui n’est autre que son CEO ! Jean-Marie Schaller fusionne les trois rôles.
Ce concentré permet d’avoir une prise directe entre la direction de la marque, son offre, et l’indispensable relation client qui permet de sentir l’air du temps. De détecter les belles idées qui le traversent. On l’a vu dernièrement avec la pièce que Louis Moinet a donnée à la vente Only Watch (voir notre article ici). On le voit encore aujourd’hui avec la Savanna Tourbillon Tigre.
Réenchanter les métiers d’art
Si la pièce se distingue aujourd’hui, c’est grâce à son exceptionnel cadran. Le mot n’est pas exagéré. Ce n’est pas tous les jours qu’une maison horlogère invente un nouveau métier d’art. Dans ce registre, la concurrence est pourtant assez rude. Les représentantes de la discipline se nomment Cartier ou Hermès. Ce sont probablement les deux maisons les plus actives à travailler des savoir-faire particuliers, de manière innovante et créative. Mais ce qu’a fait l’atelier indépendant de Saint-Blaise est inédit. Tout le monde en connaît le principe. Il n’avait simplement jamais été transposé en haute horlogerie.
Mise en pièces
Ce principe, c'est celui du puzzle. Il s'agit de restituer une image en utilisant de multiples pièces découpées et assemblées une par une. À cet exercice, Louis Moinet n’a pas fait les choses à moitié. Plutôt que de mobiliser quelques pièces larges, la marque a opté pour non moins de 81 pièces disposées au sein d’une boîte en or de 40,7 mm. Mais il reste un problème : une fois ces pièces réunies, l’image aurait été parfaitement plane et régulière : c’est le principe même du puzzle de s’effacer lorsqu’il est totalement constitué.
Pour préserver le concept de pièces de puzzle assemblées les unes aux autres, l’atelier Louis Moinet a eu la judicieuse idée de faire émerger certaines d’entre elles à des niveaux différents. Au total, le cadran de la Savanna Tourbillon Tigre comporte quatre hauteurs distinctes de pièces. Cette astuce permet de voir leur forme, leur épaisseur. On retrouve ainsi la texture du puzzle, son principe fondateur.
Supplément d’âme...et de labeur
L’écart entre ces différentes hauteurs est à peine perceptible – quelques dixièmes de millimètres. Pour obtenir cet effet, c’est la platine sous le puzzle qui comporte elle-même différents niveaux. Chaque pièce qui vient s’y poser reproduit donc ce niveau.
Toutefois, l’astuce a son revers pour l’artiste qui peint la fresque du tigre : puisque chaque pièce émerge avec une hauteur différente de celle de sa voisine, il a fallu en peindre également les flancs. Autrement dit, chacune des 81 pièces de puzzle est non seulement peinte sur sa surface, mais également sur ses côtés verticaux. Un travail d’une infinie précision mais qui, seul, permet de préserver l’intégrité de l’image, quel que soit l’angle par lequel on la regarde.
Déroutante et hypnotique
Le résultat, c’est un cadran véritablement hypnotique. Le regard du tigre renforce cette impression. L’image est en perspective comme en trois dimensions. Elle possède la fragilité mais aussi la solidité d’un puzzle terminé. C’est un ressenti que tout le monde connaît : un puzzle assemblé et à la fois solide et pourtant très fragile.
C’est une sensation déroutante, qui associe fragilité et solidité, créativité et innovation. Et si cette série inaugurale figure un tigre, elle ouvre également un vaste champ créatif. Certains clients pourront, à leur tour, demander l’illustration d’une image qui leur est chère. C’est le propre d’une création réussie : elle ne pose pas un état de l’art définitif. Elle inspire les générations suivantes.
