Dans le siège du pilote

Image
Benoît De Clerck © Zenith
8 minutes read
Nous rencontrons Benoît de Clerck pour sa première interview avec WorldTempus en tant que CEO de Zenith

Le début de l’année est toujours un moment passionnant pour les marques horlogères de LVMH, puisqu’elles présentent leurs nouveaux lancements lors de leur événement en solo, la LVMH Watch Week. En 2024, il y a une autre nouveauté chez Zenith : l’homme derrière le gouvernail. Benoît de Clerck a rejoint la marque historique avec dynamisme et détermination en prenant la responsabilité de directeur général et en apportant avec lui ses années d’expérience comme cadre supérieur dans l’industrie horlogère sur différents marchés. Lisez la suite pour découvrir son parcours jusqu’à son poste actuel, son avis sur les qualités d’un dirigeant et ce qu’il estime être le potentiel le moins exploité de Zenith.

Suzanne Wong

Benoît, c’est si agréable de vous voir ici, dans un nouvel environnement, dans votre nouveau rôle. Parlez-nous de ce qui vous a décidé à accepter ce défi excitant, à entamer un nouveau chapitre de votre carrière. Qu’est-ce qui vous a véritablement attiré ?

Benoît de Clerck

Tout d’abord, je suis très reconnaissant d’avoir eu cette opportunité et à LVMH de me faire confiance pour ce poste. Evidemment, je dois beaucoup au temps que j’ai passé précédemment chez Richemont, où je suis resté plus de 20 ans, et je suis fier de dire que j’ai été capable de mener à bien avec succès toutes les missions qui m’ont été confiées. J’ai eu la chance d’être entouré par des gens extraordinaires. J’ai pu beaucoup apprendre. Certaines personnes disent que je suis fou d’avoir quitté le merveilleux poste que j’avais, après avoir construit ma vie professionnelle là-bas pendant 22 ans, mais la complaisance n’a jamais été un trait de mon caractère. Je suis avide de découvrir de nouvelles choses, d’avoir des expériences et des interactions différentes, de découvrir un nouveau champ d’action, et donc quand LVMH m’a approché avec cette opportunité, j’ai su que c’était exactement ce que je recherchais.

SW

Lorsque vous dites « champ d’action », faites-vous allusion à ce que vous pouvez accomplir au sein de la marque ou avec la marque ?

BC

Les deux, sans aucun doute. Et c’est ce qui m’a séduit. Puis j’ai effectué beaucoup de recherches, j’ai appris à connaître la marque. Et je me suis dit : « C’est fait pour moi ». Le côté humain de la marque est si fort. La taille de la marque est parfaite. L’authenticité est immédiatement perceptible. Vous n’avez pas besoin d’inventer des histoires sur la marque, car les histoires qu’on y trouve sont déjà si nombreuses. Tout dans Zenith m’attirait, et plus j’en apprenais sur la marque, plus je découvrais mon affinité naturelle avec elle. C’est une marque très riche, que vous parliez de la Pilot ou de El Primero. J’ai passé deux jours avec l’équipe du musée et du patrimoine, et j’ai été époustouflé. La vision de Georges Favre-Jacot lorsqu’il a déposé le nom de la collection Pilot, avant même d’avoir créé les montres, avant même l’avènement de l’aviation…c’est incroyable. Il a fondé une manufacture qui n’a pas bougé lors des 160 dernières années, il savait qu’il voulait faire des montres en or, alors il a construit la fonderie, qui est toujours là aujourd’hui.

SW

Vous avez dit que vous aviez effectué de nombreuses recherches sur la marque avant de poser un pied dans les locaux, et vous vous êtes vraiment beaucoup documenté sur Zenith. Quel a été le plus grand changement de perception à propos de la marque avant et après que vous ayez officiellement pris le poste de CEO ?

BC

C’est une question très intéressante. En premier lieu, je n’ai été déçu en aucune façon, parce que tout ce que j’ai vu n’a fait qu’améliorer ma perception de Zenith. Par exemple, même si j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur la marque, je ne comprenais toujours pas à quel point son patrimoine était vraiment riche jusqu’à ce que j’arrive. Puis, au niveau de la situation dans laquelle se trouve l’entreprise aujourd’hui, j’ai regardé les chiffres et ce qui avait pu être fait avec ces chiffres et j’ai été impressionné par le bon travail qui avait été fait, comme au département marketing par exemple. Jusqu’ici, je n’ai eu que des expériences positives. Je suis là pour écouter. C’est mon 23ème jour chez Zenith et je ne suis pas là pour juger ou prendre des décisions sur quoi que ce soit jusqu’à ce que j’aie entendu et appris tout ce dont j’ai besoin. J’apprends aussi de gens comme vous, des journalistes, de gens externes à l’industrie, des collectionneurs qui aiment Zenith. Il y a une communauté tellement formidable autour de cette marque. Je veux poursuivre le bon travail qui a déjà été accompli ici. Julien [Tornare, ex-CEO de Zenith, actuel CEO de TAG Heuer] et son équipe ont fait un super boulot. Cette marque c’était La Belle au bois dormant pendant très longtemps. Grâce à ceux qui m’ont précédé, elle est maintenant éveillée, et il est temps pour elle de découvrir le monde. Ce sera une progression naturelle. Mon rôle est de continuer sur la voie qui a déjà été tracée. Je ne suis pas du tout là pour faire la révolution.

SW

Vous avez dit être ici pour écouter, vous avez parlé des choses que vous avez apprises après avoir rejoint la marque. Dites-nous quel sera votre style de direction et quelle orientation vous donnerez à Zenith.

BC

En ce qui concerne le style de direction, tout d’abord, je n’aime pas perdre. Donc c’est une caractéristique de mon style de leadership, je n’aime pas perdre.

SW

D’accord, mais Benoît, personne n’aime perdre.

BC

Personne n’aime perdre, mais il y a des gens qui ne sont pas aussi affectés par la défaite. S’ils perdent, ils perdent, peu importe. Mais moi, si je perds une discussion, je suis contrarié. Si je perds à un jeu, je suis contrarié. Tout le monde n’est pas comme ça. C’est la première chose : je n’aime pas perdre. Deuxièmement, je ne crois pas à un style de direction solitaire. J’ai un comité exécutif et nous prenons les décisions collégialement, en équipe. J’ai un directeur du marketing, un directeur des finances et un directeur commercial. Ce sont des postes importants et ce sont des gens très compétents qui sont chez Zenith depuis plus longtemps que moi. Quelles que soient les décisions que nous prenons, nous les prenons ensemble. C’est vrai, le directeur général a le dernier mot, mais je ferai absolument en sorte que la décision soit basée sur nos contributions collectives. C’est ainsi que je fonctionne. J’ai fixé une réunion toutes les deux semaines pour le comité exécutif, tout le monde participe, chacun exprime un point de vue qui est écouté, je n'impose aucun protocole. Nous sommes capables de discuter ouvertement. C’est très enrichissant pour nous tous.

SW

J’aime beaucoup que vous utilisiez le mot « nous ». Cela me rappelle quelque chose que vous avez dit tout à l’heure, sur le fait que l’attrait de Zenith résidait dans son côté humain et authentique. Il est clair que cette façon pratique et interpersonnelle d’opérer vous correspond. Sur un plan individuel, quel est à votre avis l’atout le plus important ou la qualité la plus essentielle que vous apportez à Zenith, qui vous distingue de ses dirigeants précédents ?

BC

J’ai la chance d’avoir travaillé à plusieurs endroits dans le monde. J’ai travaillé en Suisse, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique. Je ne veux pas dire par là que j’ai voyagé dans ces pays pour le travail, j’y ai vraiment vécu. Et partout où je suis allé, je me suis vraiment intégré. Lorsque j’étais basé au Moyen-Orient, j’ai appris l’arabe. Lorsque je me suis installé en Asie, mes enfants et moi avons appris le chinois. Nous voulions vraiment comprendre la culture locale, et c’est quelque chose que tout un chacun peut faire pour sa propre éducation, son propre développement. J’ai essayé de tirer le maximum d’expériences de la région où je me trouvais dans toute la mesure du possible. Et je suis conscient que je ne sais pas tout sur ces pays, mais j’ai sans aucun doute un avantage concurrentiel comparé à quelqu’un qui n’a pas vécu là-bas, qui n’a pas été personnellement connecté à la région.

SW

Et de là où vous vous trouvez, quel est selon vous le plus grand domaine de potentiel inexploité de Zenith en 2024 ?

BC

Je suis encore en train de chercher, pour être honnête. Je ne veux pas dire une fois pour toute que c’est ceci ou cela. Mais je vais dire la chose suivante tout de suite : je vois une grande capacité de croissance pour la Pilot. C’est pourquoi je la porte aujourd’hui, parce que je l’adore. J’aime la grande date, j’aime le modèle chronographe. Si on me demande si nous avons atteint la limite de ce que nous pouvons faire avec la Pilot, ma réponse serait (avec mon humble expérience de trois semaines au sein de la marque) que nous pouvons aller beaucoup plus loin.

Marque