Pour la première fois de son histoire, Chanel est devenue sponsor d’un événement sportif, la Boat Race qui se déroule entre Cambridge et Oxford, c’est une surprise…
Il s’agit en fait de l’aboutissement d’une idée car, depuis quelques années, nous cherchions un projet auquel nous associer avec notre montre de manufacture J12, en tant que chronométreur officiel. Si la Boat Race a tout d’une épreuve sportive qui se base sur la performance, elle offre davantage avec la réunion d’institutions telles que les Universités d’Oxford et de Cambridge, qui figurent parmi les plus anciennes et prestigieuses au monde, et la maison Chanel dont l’ancrage britannique remonte à près d’un siècle. L’histoire de Gabrielle Chanel est profondément liée à l’Angleterre, où elle a effectué de nombreux séjours dès les années 1920. La première rencontre avec le comité d’organisation s’est tenue le 10 juin, la même date que celle de la première Boat Race, il y a près de deux siècles. Tout s’est passé très vite car nous partagions la même vision et le même respect pour nos entités respectives. J’ai plaisanté en déclarant que dans 40 ans, le 10 juin sera évoqué comme le jour où Chanel et The Boat Race ont créé ce partenariat, mais j’y crois ! D’ici là, bien sûr, nous ferons monter le partenariat en puissance. En 2025, la Chanel J12 Boat Race se déroulera la semaine suivant Watches and Wonders et notre présence restera discrète, mais l’édition 2027 marquera le centenaire de la compétition féminine la plus ancienne du monde et 2029 célébrera le bicentenaire de l’épreuve. Nous avons le projet de créer un trophée pour ces deux épreuves.
Sachant que Gabrielle Chanel a dessiné les fameuses marinières et pratiquait la voile, peut-on s’attendre à d’autres initiatives dans le milieu nautique ?
Le sport faisait en effet partie de la vie de Gabrielle Chanel, à qui nous devons l’invention du sportswear dans les années 1910-20. Quand on regarde ses créations de l’époque, elles restent d’une modernité absolue dans les matières, les coupes et l’usage, car elles étaient taillées pour la liberté de mouvement, notamment pour les femmes. La J12 Boat Race constitue un projet très important, que nous allons porter sur le long terme, et nous n’en cherchons pas d’autres pour le moment.
Lors du prix la Montre de l’Année à Paris cet automne, le public a plébiscité la J12 Couture qui a remporté le prix de la montre féminine, était-ce là aussi une surprise ?
C’était une magnifique surprise ! C’est aussi la récompense du travail magnifique d’Arnaud Chastaingt et du Studio de Création Horlogerie de Chanel. Même si nous sommes très jeunes en horlogerie, puisque notre activité horlogère remonte à 1987 avec la montre Première, nous avons certainement lancé plus de créations que quiconque sur le marché féminin, car l’univers féminin fait vraiment partie de l’ADN Chanel. La collection Couture O’Clock lancée à Watches and Wonders est l’une des plus fortes et nous sommes très reconnaissants envers le public pour ce prix qui gagne en puissance.
La J12 fêtera d’ailleurs son quart de siècle en 2025, que peut-on déjà en dire ?
Célébrer les 25 ans de la J12 n’est pas anodin car un quart de siècle pour une collection, c’est significatif. La J12 est non seulement installée mais elle est aussi iconique. Il est temps pour elle de franchir une nouvelle étape. Nous fêterons cet anniversaire à Watches and Wonders en présentant une nouvelle J12, dans une nouvelle céramique et peut être une nouvelle couleur. Nous la déclinerons en neuf modèles en édition limitée, tous collectors, dans une céramique qui a nécessité des années de R&D. Nous sommes heureux que ces années de recherche aient abouti pour le 25e anniversaire. Je précise que la nouveauté viendra en complément de la J12 actuelle mais ne la remplacera pas.
La J12 semble avoir connu un essor constant durant son histoire, mais voyez-vous un tournant décisif à un certain moment ?
D’après moi, nous pouvons distinguer quatre étapes : en l’an 2000, Jacques Helleu, notre directeur artistique de l’époque, crée une montre au design incroyable, la J12 noire qui remporte un succès immédiat, avec un diamètre de 38 mm qui l’impose en montre unisexe dans le monde entier. En 2003, la version en céramique blanche la propulse dans une autre dimension : les clients s’approprient globalement le phénomène et forgent son statut d’icône. En 2019, Arnaud Chastaingt dévoile un nouveau design, modifié à 80 %, qui l’affine et la modernise, tout en lui attribuant le calibre de manufacture Kenissi. Selon moi, la J12 peut s’assimiler à la Porsche 911. Je n’étais pas complètement à l’aise avec le moteur du modèle original qui était correct et performant, mais pas au top au niveau du design et de la fabrication. Or, le partenariat avec Kenissi nous a permis d’intégrer le meilleur mouvement et le plus fiable qu’on puisse avoir dans la J12, constituant un tournant majeur pour l’intégrité du produit. La 4e étape arrive en 2025 : ce que nous lancerons à Watches and Wonders nous ouvre un champ de possibilités extrêmement large.
Vous êtes à la tête de Chanel Horlogerie & Joaillerie depuis 2016, en quoi cette division de la Maison a-t-elle principalement changé ?
Nous nous appuyons sur tout le travail effectué depuis 1987, en particulier la décision, dans les années 1990, d’acheter une manufacture à La Chaux-de-Fonds afin de se positionner en « pure player » horloger. En parallèle de notre savoir-faire dans la céramique, nous avons bâti un écosystème horloger qui participe aux aspects de création qui peuvent inspirer Arnaud Chastaingt, mais surtout à l’intégrité du produit. C’est dans ce domaine-là qu’il y a eu la plus forte accélération pour devenir « pure player », tout en restant complètement libre sur le plan de la création. Notre verticalisation, avec un fort focus sur la céramique, nous permet de créer pour nous-même mais aussi d’être partenaire et fournisseur de quelques très belles maisons. Il y a aussi ce pôle horloger qui se développe, de façon totalement organique, autour de marques et de personnes qui ont envie de travailler ensemble et qui nous fait progresser. Ainsi, notre prise de participation dans Romain Gauthier en 2011 a amené son fondateur à nous aider sur la montre Monsieur en 2016, celle qui concerne Kenissi nous a apporté notre calibre maison en 2018, la même année que l’entrée au capital de F.P Journe, et nous avons pris une participation de 25% chez MB&F en 2024. Les maisons restent cependant indépendantes, en se nourrissant les unes des autres et en se projetant à long terme.
Comment résumeriez-vous l’année 2024 pour la montre Chanel ?
Tout d’abord, ce fut une très bonne année qui s’est appuyée sur des créations très fortes. La plus folle et la plus éphémère prend les traits de l’automate musical Couture O’Clock réalisé avec Reuge, une pièce unique sublime, vendue en 20 mn, qui illustre parfaitement le mariage de la haute couture et de la haute horlogerie. Radicalement différente mais tout aussi atypique et liée à l’univers du son, la Première Sound n’aurait jamais passé le cap d’un comité produit : une montre portée autour du cou avec des écouteurs. Heureusement, il n’y a pas de comité produit chez Chanel et l’OVNI a vu le jour en septembre. Avec Arnaud Chastaingt, nous avions été interpellés pendant les défilés de mode par les mannequins qui portaient des écouteurs en bandoulière. Outre le défi technique relevé avec un partenaire, nous avons réuni dans cette création tous les codes de la montre Première. Quelle histoire folle, réalisée presqu’en secret, et quel plaisir de voir Lana del Rey la porter lors de son concert à Paris !
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