Une ultra-complication d’hyper-horlogerie. On pourrait y voir la trace d’un marketing prompt aux superlatifs. Pas cette fois. La Monovortex de Roger Dubuis, concept watch non destinée à la vente, pose les jalons d’une horlogerie renouvelée dans ses fondations. Impressionnant.
De Roger Dubuis, on connait le positionnement : « Hyper Horlogerie ». La manufacture était effectivement extrême dans son positionnement, son exclusivité, son esthétique. Mais, pour l’essentiel, elle mettait en œuvre des complications largement maîtrisées, comme le tourbillon. Le double tourbillon, fut-il incliné, est certes plus rare, mais non moins maîtrisé par l’industrie. On pense à Purnell, Louis Moinet ou Greubel Forsey, dans des directions techniques certes différentes, mais non moins convergentes.
Avec la Monovortex Split Seconds Chronograph, Roger Dubuis appuie franchement sur l’accélérateur. Voire avance pied au plancher. La Manufacture invente, crée, lâche la bride et les chevaux. Il y aura un « avant » et un « après » la Monovortex, tant la pièce est chargée d’innovations. On pourra l’aimer comme la détester, mais les faits sont là : elle pousse véritablement l’horlogerie dans ses extrêmes limites.
Un tourbillon à double révolution conique
Pour bien comprendre la Monovortex, il faut presque la déconstruire, organe par organe. Le plus visible, à 9h, est le tourbillon. Chez Roger Dubuis, on le connaissait à plat, légèrement incliné, voire franchement basculé à 90°. Il était simple comme double.
Dans la Monovortex, il suit une trajectoire conique à 360°. Pour se la figurer, il faut imaginer une pyramide inversée. Pointe en bas, elle tourne sur elle-même. C’est la première rotation. Ensuite, imaginons un balancier arrimé à la surface de cette pyramide, qui lui tourne autour. Il est lui aussi en mouvement. C’est la seconde rotation.
Ce procédé inventé par Roger Dubuis est-il un « tourbillon », similaire dans son principe à celui inventé par Breguet ? Les puristes fronceront les sourcils. Peu importe : le principe développé par Roger Dubuis en reproduit les bénéfiques effets, compensant ceux de la gravité.
Premier micro-rotor vertical
Seconde évolution majeure d’un organe existant : le micro-rotor. On sait l’appétit de Roger Dubuis pour cette masse oscillante miniaturisée qui se glisse plus facilement dans ses architectures squelettées à l’extrême. Mais cette fois, la manufacture est allée plus loin. Et, là encore, il s’agit d’un renversement puisque, pour la première fois, le micro-rotor est vertical. L’idée est donc différente de ce que l’on trouve sur la Golden Bridge Automatic de Corum, où un poids glisse le long d’un axe vertical, comme un ascenseur. Chez Roger Dubuis, cette masse s’enroule autour de son axe, à l’image d’une perle qui tournerait autour du fil qui la traverse. L’idée est judicieuse, très technique (8 mois de développement), et finalement pas plus encombrante qu’une masse oscillante à plat – et quoi qu’il en soit, l’objet de la Monovortex n’est pas de tutoyer le classicisme extra-plat, mais d’optimiser la puissance du remontage de manière innovante et créative.
Aujourd’hui, on voit clairement ce micro-rotor vertical placé à midi. Seule question résiduelle : est-il aussi efficient que ses prédécesseurs ? La manufacture ne mentionne pas ses performances. Gageons qu’il fera au moins aussi bien.
La réserve de marche passe à la fibre
À l’opposé, à 6h, on trouve l’épatante réserve de marche. On avait à peu près tout imaginé pour la représenter : des aiguilles, des billes (Cyrus), des jauges (Reservoir), et autant de procédés plus ou moins baroques.
Pour sa part, Roger Dubuis a utilisé de la fibre optique. L’idée avait déjà été explorée par Urwerk pour un affichage des secondes, mais jamais utilisée pour la réserve de marche. Ici, Roger Dubuis a connecté ces fibres au barillet, dont le désarmage est progressivement affiché par niveaux de rouge graduels et translucides. On croit voir des cristaux liquides, ou l’écran d’une F1. Bluffant !
Rattrapante à double affichage
Enfin, côté complication, Roger Dubuis déploie dans la Monovortex son premier chronographe intégré à rattrapante, avec deux roues à colonnes et embrayage horizontal. Son fonctionnement est classique, à deux aiguilles centrales, mais le décompte des heures et minutes est plus singulier.
Il se fait sur 30 minutes. Il se concentre entre 2h et 4h. Une aiguille comporte trois branches, chacune gravée de 0, 1, 2 et 3, pour indiquer si la mesure est celle de la dizaine de minutes, la vingtaine ou la trentaine de minutes. La pointe de cette aiguille progresse ensuite sur un arc de 120° pour indiquer la minute précise.
La seconde reste quant à elle indiquée par l’aiguille centrale. On note, en parallèle que la seconde de la montre, celle qui est associée aux heures et minutes, est matérialisée à 9h par un double pont. Un jeu de deux segments progresse en son centre. Ils sont indexés sur le tourbillon, qui lui-même effectue une révolution en deux minutes.
La pièce, de 47 mm de diamètre, est à ce jour unique et non destinée à la vente. Ses innovations irrigueront les prochaines créations de Roger Dubuis.